La dépigmentation : construction imaginaire ou déni identitaire? (Partie 1)
« La beauté noire est l’identité culturelle qui est ancrée en nous, dans chacun. », Catherine Tetteh, présidente de l’ONG Melanin Foundation.

La dépigmentation, c’est l’usage volontaire de produits dans le but de s’éclaircir la peau, et cela à visée esthétique. Telle est la définition que donnent les dermatologues à cette pratique. La beauté étant un désir universel des femmes dans toutes les sociétés, elles sont prêtes à faire feu de tout bois pour y parvenir. Phénomène planétaire ou motifs complexes et divers, le blanchissement de la peau a pris des proportions alarmantes en Afrique subsaharienne.
C’est dans les années 60–70 que les produits éclaircissants ont été mis au point aux Etats-Unis. Certains de ces produits contiennent des substances dangereuses, comme l’hydroquinone, des dermocorticoïdes tels que la béthaméthasone ou le clobétasol, ou encore des dérivés mercuriels. D’après les statistiques du Réseau en Afrique francophone pour la télémédecine (RAFT), une femme sur quatre utilise des produits éclaircissants selon des techniques très variées qui vont des savons aux crèmes, en passant par des injections sous-cutanées. Aujourd’hui, dans le monde entier, notamment au sein des populations noires ou asiatiques, la peau claire est synonyme de beauté et de réussite. La blancheur semble être le symbole de la beauté l’éblouissante.
« La femme noire considère que le Bon Dieu l’a abandonnée, qu’il ne la pas doté des caractéristiques choisies par les hommes. Parce que beaucoup de femmes vous disent « Je m’éclaircis parce que les hommes noirs n’aiment que les femmes à peau claire ». Alors, je leur demande : pourquoi le Bon Dieu aurait pris le temps de créer une femme qui ne serait pas une œuvre de lui, qui serait juste destinée à pleurer sur son sort parce qu’elle ne serait pas assez belle pour être choisie. » Juliette Smeralda, sociologue.
La question de la dépigmentation volontaire est un phénomène planétaire. Il ne concerne pas spécifiquement l’Afrique. Il est vrai, quand on parle de la dépigmentation volontaire, que l’on pense tout de suite à l’Afrique, aux pays africains. Mais il est vrai aussi que cette pratique existe sur les 5 continents. On le voit en Amérique du Sud, en Asie, dans des pays comme l’Inde, dans les pays du Golfe, mais aussi dans des pays comme le Japon ou la Chine. Cela représente un très grand marché.
Isabelle Mananga-Ossey, fondatrice ONG « Label Beauté Noire » : « D’un côté, on fait de la prévention, de l’éducation pour faire évoluer les mentalités. Et de l’autre, on a le marché noir. On a des produits cosmétiques qu’on nous vend comme des médicaments et qui, en définitive, ne le sont pas. Il faudra vraiment tirer tout cela au clair. Faire un état des lieux de ce qu’il y a et par rapport aux pratiques, voir comment cela évolue par pays. Parce qu’il y a des personnes qui mélangent elles-mêmes leurs crèmes, elles mélangent leurs produits à de l’eau de javel ou autres. Il ne s’agit donc pas de produits cosmétiques, mais de pratiques culturelles. »
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